Le Collège de France édite une revue en ligne, nommée "La vie des idées", qui partage des articles de lectures d'ouvrages.
L'ouvrage "Le peuple du Larzac. Une histoire de crânes, sorcières, croisés, paysans, prisonniers, soldats, ouvrières, militants, touristes et brebis…" est l'objet du jour.
L'auteur propose un regard sur ce territoire à part, "théâtre d’une lutte contre l’État devenue emblématique, mais aussi parce que son économie est un modèle d’intégration dans le capitalisme mondial".
Un livre qui souhaite à montrer l'histoire de ce "territoire miroir" de ces espaces de convergences des luttes et des pratiques à travers le monde occidental.
"Balayer 2500 ans d’histoire en 307 pages relève de la gageure. Par une approche structurée et une qualité d’écriture évidente, Artières relève ce défi avec élégance et conviction.
Nourrie de son expertise sur l’approche des marges et des institutions disciplinaires, ouverte à de nouvelles perspectives historiographies et enrichie d’une histoire économique plus classique, son enquête s’apparente à une histoire tout à la fois totale et modeste. "
Trois temps peuvent permettre de raconter ce territoire de convergences d'avenirs aux trajectoires opposées.
"Trois temps, convergeant finalement au XXIe siècle, charpentent le récit : celui de l’économie agro-pastorale, puis celui de l’armée et enfin celui de la lutte.
Pour Artières, les luttes larzaciennes procèdent de l’affrontement de logiques opposées : l’économie pastorale ouverte sur le marché d’une part, et la planification territoriale étatique et militaire de l’autre. La première l’emportant, quoi que de manière temporaire, par la constitution du plateau en territoire de convergence de luttes et en enjeu politique démocratique."
Avec un focus sur une économie de subsistance autour du lait qui s'est vite transformée en une économie mondialisée, importatrice de la matière première...
"Le Roquefort est devenu une marque exportée et appuyée sur une économie capitaliste efficace ayant définitivement noué l’histoire du plateau à celle du monde. Lequel plateau s’est vite et si bien inséré dans l’économie monde qu’il en est devenu importateur de lait."
Et une analyse du rôle de l’État jacobin dans la recherche de main mise sur ces territoires éloignés des institutions centralistes, via diverses actions d'implantation locale d'activités exogènes à ces contrées pour apporter la "modernité urbaine".
"L’emprise parisienne sur les territoires méridionaux se manifeste par la planification industrielle, le développement des infrastructures touristiques, mais aussi la protection de la nature.
Gabrielle Hecht a ainsi montré comment l’installation des sites nucléaires méridionaux a été conçue et défendue en tant que pôle de modernisation censée sortir des contrées rurales et reculées d’un, relatif, sous-développement.
La création du parc national des Cévennes ou la mise en œuvre de la mission Racine autour de Montpellier participait d’une logique de même ordre."
Enfin, une réflexion sur les raisons de l'évolution de ce territoire d'expression et de convergences de luttes et de populations que tout, ou presque, éloignaient spontanément.
"La force et la longévité du mouvement tient à la solidité de son ancrage et à la quasi-unanimité du plateau contre les plans des militaires. Il s’agissait d’abord pour les paysans de défendre leur terre, leurs biens comme leur outil de travail.
Mais, sans jamais renoncer à leur engagement séminal, le peuple du Larzac a transformé son plateau en caisse de résonnance des luttes et des causes du temps. Il s’est ainsi opéré une forme d’échange entre des acteurs que rien, au départ, ne devait réunir : un ancrage et un terrain d’un côté, des idéaux et des mots de l’autre."
Cette symbiose des temps, des actions et des idées semble être une clé pour comprendre la force de ce territoire de résistances, qui semble faire écho à cette pensée du "local-monde" promut par Les Localos.
"Pour le Larzac, cette alchimie est ce qui fait la force de son histoire et de son ancrage dans les mémoires. Elle a rendu possible, très tôt et de manière très structurée, la formalisation d’enjeux essentiels du monde actuel. Le maintien d’un peuplement rural dynamique, relié à la terre par la propriété comme par le travail, constitue un levier essentiel non seulement de sécurité, et de plaisir, alimentaire, mais aussi de préservation des milieux et de la biodiversité.
À l’heure où les puissances du marketing et de l’économie « post-industrielle », tels les géants du numérique et les tenants du véganisme, font de la coupure avec la nature et avec la terre une condition du salut de la planète, le livre d’Artières vient opportunément rappeler que, bien au contraire, renforcer ce lien est une nécessité du temps."
Une fiche de lecture complète à retrouver ici.
_Une lecture racontée par Alexis
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire