Article rédigé le 17 octobre 2018
Les élections municipales et intercommunales arrivent à
grand pas. 2020 sera l’expression du printemps florifère, de la continuité
estivale ou de l’automne mortifère.
Et il sera alors temps pour nos candidats de penser la
ville, le territoire.
Penser la ville revient à imaginer ce qu’elle pourrait être
demain ou après-demain.
Et là se pose très vite la question du mandat que porte
le maire, une fois élu.
Tel un paysagiste-jardinier, il se doit de porter une
vision, une perspective, lui donnant la capacité de se projeter, d’anticiper,
de partager un regard, une interprétation de l’avenir. Pour cela, comprendre ce
que voit l’Autre, proposer une action fédératrice, audacieuse et vivante est
une qualité propre à faire de lui un personnage respecté. Il est alors en
capacité de regarder, comprendre, concevoir et interpréter avec les autres
acteurs du jardin un futur à la fois souhaitable (un projet) et possible (une
pratique).
Monsieur, ou Madame le Maire, doit également garantir la
bonne gestion quotidienne du jardin, afin d’être accepté comme jardinier en
chef. Associer des plantes ensemble, mixer les espèces, rendre visible ce qui
pousse mais ne se voit pas.
Le maire jardinier est alors un garant de l’emploi
à bon escient des ressources qu’il a à disposition. Rendre accessible les
espaces du jardin à tous, par des portes ouvertes, des allées, de
l’éclairage ; rendre désirable ce qui ne se voit pas encore, en tuteurant,
en élaguant, en fleurissant ; rendre vivable, en laissant de la place à
chaque plante, chaque être vivant pour que chacun puisse s’épanouir sans
envahir l’autre.
En somme, le maire est ici un gardien des équilibres, un
garant du vivant, un orchestre du quotidien.
Un jardinier en chef ne peut le devenir sans rassembler,
aller chercher, explorer, à la rencontre de ce qui se fait ailleurs, de ce que
l’on perçoit du jardin, de ce qui fait vibrer les visiteurs. Ainsi, un maire,
se doit de repérer, rassembler et fédérer les forces vives de son territoire,
car il ne peut agir sans les talents de son équipe de jardiniers, sans
grimpeurs-élagueurs, pépiniéristes, poètes, peintres, sculpteurs, écologues …
ou simples amateurs de jardins.
Ici, le maire est au service de la réunion des énergies,
participant du croisement des regards pour mieux comprendre ce qui fait son
jardin, leur jardin. Et la tâche n’est pas simple. D’autres jardins peuvent
être amenés à naître à deux pas d’ici, une dynamique semble-t-il concurrente
peut s’initier un peu plus loin, une dispute peut vite arriver entre deux
habitants du territoire. Diviser ou réunir, rassembler ou éviter, fédérer ou
morceler, coopérer ou se battre, le dilemme est grand pour celui qui porte sur
ses épaules la responsabilité de faire grandir le jardin de ceux qui lui ont
confiés, lors des dernières élections …
Pour cela, le maire, s’il acquière l’estime de son équipe,
de ses visiteurs, de ses partenaires, pépiniéristes et autres créateurs de
sens, de belles choses, de sensibilités … pourra alors devenir
maître-jardinier. A une autre époque de l’art des jardins, ce titre revenait au
plus ancien, au plus sage et au plus talentueux des jardiniers, à la fois
botaniste, paysagiste, jardinier, poète et j’en passe.
Le maire, pour devenir celui que l’on reconnaît comme une
personnalité respecté car exemplaire, se doit alors de favoriser l’échange.
En
effet, que serait une équipe sans dialogue, un partenariat sans relation
réciproque, une visite inspirante sans partage ?
Ce jardin doit être vu comme un creuset de rencontres, un
lieu d’échanges d’idées, de sensations, d’intentions pour se révéler être un
espace des possibles, des rêves, du bien-vivre…
Le maître-jardinier, jamais seul, doit ainsi considérer ses
semblables, ses voisins, ceux qui habitent comme passent dans le jardin.
Organiser la discussion, le débat et le partage de la décision est lors un
principe vivant, le maître-jardinier sachant alors prendre la bonne décision,
pesant l’équilibre entre la raison (les ressources disponibles) et le cœur (les
sensations recherchées).
Tel un jardin, le territoire possède des ressources, de
l’eau, un sol, du soleil, etc., des êtres vivants, certains de passage,
d’autres là depuis longtemps, certains favorables, comme les auxiliaires de
jardin, d’autres moins et encore un tissu de relations, une organisation du
pouvoir de penser, vivre, ressentir, que le jardinier se doit de préserver pour
assurer la pérennité de la vie.
Favoriser la vie revient alors à accepter que la ville, comme
le jardin, est un organisme vivant. En cela, il est impossible de le programmer
intégralement. Il faut donc savoir où l’on va sans pour autant le forcer, en
mobilisant l’imagination du doute.
Il faut accepter que la ville soit ici un jardin fleuri et
vivrier autour de la maison, ordonné et libre à la fois pour donner les
conditions propres à habiter ensemble tout en laissant le champ libre aux
herbes folles, parmi lesquelles poussera un jour une fleur extraordinaire, une
pépite que l’on cultivera, là, des lisières, espaces futurs encore en devenir,
sans mise au cordeau, riches de vies informelles, et un ailleurs, au-delà de la
frontière de la clôture, et pourtant partie intégrante de ce que l’on nomme un
paysage.
Car un jardin, une ville, un territoire est tout et non un
rien, c’est ainsi des ressources, des personnes, un rêve partagé, des outils
mis en commun, un projet de vie pour de nombreuses années, bien au-delà de ses
frontières juridiques ou administratives.
Alexis Durand (Jeanson)